– Je suis encore là parce que je peux regarder longtemps dans la même direction en gardant le silence sans que tu me demandes « à quoi tu penses ? ». Je suis encore là parce que tu m’as choisie de dos un jour où mon visage n’aurait plu à personne. Je suis encore là à cause de ces photos que tu prends de moi sans cesse et que tu laisses traîner dans la poussière, derrière le frigo, comme si seul le présent valait la peine. Je suis encore là parce que je t’ai vue nue de face, féline, imprudente, terriblement en avance. J’ai su que je pourrais t’emmener à Berlin, photographier ce bar où un homme m’avait prise pour une putain. Et que tu jetterais ces clichés sous les rails. Qu’on rentrerait par le train en lisant des histoires et qu’après ça passerait. Et qu’après on s’en foutrait.
– On peut aller les prendre les photos. Mais j’ai des champs de blé à te montrer. Il fait jour. Viens. J’ai faim.