Surprise à notre arrivée cet après-midi : tous les enfants de la dernière fois sont revenus — sauf Davis qui a quitté la classe-relai depuis… — et on accueille Iliès et Eslem, la seule fille du clan ! On est donc 8 + Pierre + Marion-géniale-prof + Katia-super-CPE + moi : 12 écrivants. Ca commence à faire un vrai bon groupe ! Et je vois sur leurs visages qu’ils sont contents d’être là, et qu’ils ont envie d’écrire. Ils sont là pour ça !
J’ai commencé par lire les productions de la séance précédente, que j’avais arrangées, aménagées, ordonnées, de manière à obtenir un texte respectant à la lettre leurs écrits et ayant du sens, les phrases mises les unes à la suite des autres. Pierre m’a accompagnée à la guitare, et j’ai lu, sur des progressions d’arpèges magnifiques, le long texte qu’ils avaient réussi à produire. Je les entendais rire en reconnaissant, au fil de ma lecture, toutes leurs idées, leurs phrases, leurs mots mis en commun. Ils riaient et montraient celui qui, de mémoire, était l’auteur de telle ou telle passage ! C’était un très joli moment et une fois de plus, je pense qu’ils ont été étonnés de la qualité de l’ensemble, sans aucun intervention de ma part autre que « sélectionner », « mettre en ordre », ‘répéter » une phrase-clé, « valoriser » leur travail.
Ensuite, j’ai expliqué l’étape suivante, à savoir passer de l’écriture spontanée à une « chanson »… slam… rap… peu importe : le choix d’un thème — en l’occurrence, il semble avoir émergé très naturellement de nos premières sessions…, — puis le travail sur le son… sur le flow… réussir à faire rebondir les mots… les rendre fluides et dynamiques pour l’oreille… faire en sorte qu’on s’en souvienne… L’occasion d’aborder la notion de rimes et d’allitérations. Que les rappeurs qu’ils écoutent exploitent très généreusement !! Donc chercher le sens, soigner le son, oui mais toujours avec LEUR langage. Leur expérience. Ancrée dans le quotidien. Des mots de tous les jours. Rien de différent de nos jeux de départ, juste de l’arrangement, de l’agencement de mots, pour obtenir un texte de chanson compréhensible par tous, mais aussi « qui sonne ».
Pour illustrer le fait de raconter des choses très personnelles (ce qu’ils font déjà) avec un langage du quotidien (le leur), en y ajoutant un peu de poésie (ce que certains font aussi, notamment Oumar et Antoine), je leur ai proposé d’écouter 2 chansons qui figureront sur l’album « Ravi(e)s » : « La fille » et « Ravie ». L’une a pour thème la famille, l’autre la séparation amoureuse. Je leur avais raconté les histoires avant, avec mes mots (les mêmes quasiment que dans les chansons, donc…) pour qu’ils entendent qu’un texte peut être à la fois simple et percutant, simple et poétique, simple et émouvant… selon notre humeur, nos récepteurs… Je voulais rendre concret le passage entre leurs premières productions, totalement spontanées, et l’œuvre finale à laquelle ils allaient aboutir d’ici 5 ou 6 séances. Un texte de chanson qui leur ressemble, qui les touche et donc qui sera susceptibles de toucher d’autres gens. Etre capable de se parler à soi pour réussir à mieux parler aux autres. Un truc comme ça…
Avant de se mettre à écrire, le choix du thème a pris 3 secondes et demi. Il s’était imposé de lui-même lors des deux premiers ateliers, et rien ne semble plus les nourrir, les intéresser, les toucher que celui-ci qui a donc été validé à l’unanimité : la FAMILLE !!! Et la mère en particulier. « Ma mère ». Qu’est-ce qu’elle est présente dans tous ces écrits…
Du coup, les jeux aujourd’hui, c’était : « Si j’osais, », « Ce que j’aime le plus », puis « Ma mère dit toujours… », puis « Si j’osais, sans avoir peur de lui faire de la peine, voilà ce que je dirais à ma mère. »
Ils ont encore eu de belles idées. Parfois tendres, souvent drôles, parfois brutales… Ils livrent beaucoup de choses lors de ces séances, donnent beaucoup d’indices sur leur vie familiale. Plusieurs d’entre eux ont, avant de lire, besoin de préciser que « tout ce qu’ils ont écrit, c’est la Vérité ! ». Je reviendrai sur tout ça dans la semaine et fabriquerai de quoi les rendre heureux et faire grandir encore leur confiance en eux… C’est évidemment ça qui leur manque. Certainement ni l’intelligence, ni la sensibilité, ni la gentillesse, ni le respect de ceux qui les regardent avec bienveillance. Marion et Katia en sont un si bel exemple… Elles les aiment. Ça se voit. Je les aime aussi. Ça se voit. Ils nous aiment. Ça se voit.
Merci Pierre pour la créativité que tu as mis, une fois encore, au service de nos pêches aux trésors ! Les mots et la musique, mis ensemble, fabriquent des images, une histoire, une envie d’aller vers l’autre… C’est un mariage « entraînant ». C’est le bon mot.
À la séance précédente, ils avaient écrit ces deux phrases, représentatives de leurs espoirs et de leur motivation :
« Je veux être milliardaire et passer des millions à ma mère » (Davis)
« Je sais que je peux aller sur la lune et pêcher une étoile » (Omar)
Tout est possible.